La tradition nous rapporte : " Quiconque se montre satisfait de ses bonnes actions et affligé de ses péchés est un croyant."
Cette tradition nous est transmise par al-Tirmidhî. La tournure employée dans le hadîth a un caractère exclusif : Le prophète - sur lui la grâce et la paix - circonscrit en effet la foi à ceux-là seulement qui répondent à cette description. Les autres peuvent être soit des négateurs qui traitent la foi de mensonge, soit des connaissants contemplatifs auxquels le voile a été ôté, et pour lesquels ce qui échappe aux sens (ghayb) est désormais devenu objet de contemplation. A ceux-là, le nom de croyant ne s'applique que de manière allégorique. La définition du croyant tient donc tout entière dans ce hadîth; aussi, celui qui répond à cette définition peut être dit croyant, c'est à dire qu'il accrédite les informations que nous rapporte le Législateur relativement à ce qui nous est caché d'ordinaire (ghayb), attribuant notamment aux serviteurs les actes qui émanent d'eux, ainsi qu'il en paraît à première vue.
Pour ce qui est des non-croyants, nous avons vu que ce terme englobe aussi bien les dénégateurs que les connaissants. Le connaissant est, en effet, celui auquel Dieu a dévoilé la nature de la Réalité, si bien que se connaissant lui-même, il connaît son Seigneur (1). Il n'est, quant à lui, ni satisfait de ses bonnes actions, ni affligé de ses péchés : aurait-il été prédestiné au meutre de mille prophètes qu'il n'en serait pas affecté et n'en éprouverait aucune tristesse (le meurtrier devant toutefois s'acquitter du prix du sang). Et si on lui annonçait la fonction du pôle suprême, cela ne l'affecterait pas davantage, ni ne lui causerait aucune joie. Car en tant que connaissant, il sait qu'il n'a aucune part au commandement et, s'il a en commun avec le simple croyant d'accréditer les informations relatives au non-manifesté que nous communique le Législateur, il le dépasse cependant dans la mésure où ce qui était occulté est devenu pour lui objet de contemplation.
Aussi le connaissant ne s'attribue-t-il ni bonne ni mauvaise action, si ce n'est celles que lui attribue la Loi, en vertu d'une sagesse qui n'est connue que de Dieu Seul ou d'une élite que Dieu a choisie pour en faire la dépositaire de cette sagesse. La Loi contient à la fois l'écorce et le noyau, tandis que la Voie (haqîqa) ne contient que le noyau.
source: Le livre des haltes (Abd al-Kader)
(1): Allusion à la tradition prophétique selon laquelle "celui qui se connaît, connaît son Seigneur.
Sache qu'en dehors des prières prescrites il y' a trois sortes de prières nawâfil : les sunan, les prières recommandées (al-mustahabbât) et les prières volontaires (al-tatawwu'at).
Par sunan nous entendons ce qu'on a rapporté que l'Envoyé de Dieu observait régulièrement comme les prières consécutives (al-rawâtib) aux prières prescrites, la prière d'al-dhuhâ (la matinée), al-witr, al-tahajjud (prière nocture) etc. Parce que la sunna constitue la voie à pratiquer.
Par al-mustahabbât nous entendons ce que les traditions rapportent sur leur mérite sans indiquer qu'il faut les observer régulièrement comme ce que nous rapporterons sur les prières des jours et des nuits de la semaine, sur la prière à l'occasion de l'entrée et de la sortie de chez soi etc.
Par al-tatawwu'at (les prières volontaires) nous entendons tout le reste au sujet duquel il n' y a pas une tradition particulière. Mais il s'agit de la part du serviteur d'un acte volontaire. En ce sens qu'il a voulu se mettre en confidence avec Dieu par le moyen de la prière dont le mérite est attesté par la Loi religieuse. Il s'agit donc d'un acte volontaire du serviteur puisqu'il ne lui a pas été recommandé cette prière en particulier qu'il a observée de plein gré même s'il est tenu de faire certaines prières à des moments déterminées.
Ces trois sortes de prière ont été appelées des nawâfil (surérogatoires) parce que ce vocable signifie en arabe le surplus. Car le caractère commun aux nawâfil c'est qu'elles constituent un plus par rapport aux prières obligatoires.
Donc nous avons retenu par convention les termes nâfila, sunna et tatawwu' pour faire connaître les desseins à travers ces actes d'adoration. Aussi il n'y a pas de problème pour celui qui change cette terminologie car les termes comptent peu lorsqu'on a déjà compris les finalités. Il reste que les degrés de mérite de ces catégories de prières diffèrent en fonction des traditions et des informations pour faire connaître leur mérite, de la régularité de leur observance par le Prophète et en fonction de l'authenticité et de la célébrité des traditions à leur sujet. Voilà pourquoi on dit que les sunan relatives aux actes en commun sont meilleurs que les sunan relatives aux actes en solitaires, que les meilleurs sunan relatives aux actes en commun sont la prière de l'aïd puis la prière du kusûf (l'éclipse) puis la prière d'al-istisqâ' (la demande de pluie), que les meilleures sunan relatives aux actes individuels sont al-witr puis les deux rak'a du fajr puis les prières rawâtib (prières consécutives aux prières obligatoires). Sache également que les nawâfil par rapport à ce qu'elles se rapportent se subdivisent à leur tour entre celles qui se rapportent à des causes particulières comme le kusûf (l'éclipse) et al-istisqâ' et celles qui se rapportent au temps se subdivisent entre celles qui se répètent selon la succession des jours et des nuits ou selon la succession des semaines ou des années. En somme il y a quatre groupe de prières.
source: Les secrets de la prière en Islam (al-Ghazâli)
L'origine de l'existence est notre audition de Son fiat - Kun. La première chose que nous ayons entendue de la Vérité, c'est Sa parole, et il en est résulté l'existence. Il en est ainsi dans la Voie (mystique); quand il y a un sama', s'il n' y a pas d'extase à cette audition et si cette extase ne réalise pas l'unité existentielle, ce n'est pas un vrai sama' de la catégorie à laquelle se refèrent les gens de Dieu. Quand Dieu dit à une chose encore inexistante : " Kun ! Sois ! " c'est ce que réalisent les gens du sama'. La parole qu'ils entendent et qui produit l'extase unificatrice et remplit leur coeur de la connaîssance Divine correspond au fiat qui a produit leur existence - wujûd - existence; - wajd - extase.
Pour eux, l'extase précède l'existence. Le sama' " général ", transcendant, peut être Divin, spirituel ou naturel. Le premier est celui des secrets. Pour eux, tout ce qui existe vient des paroles Divines et les paroles Divines ne peuvent passer. Y correspondent des auditions qui ne peuvent non plus cesser.
Ces auditions ont lieu dans leur "secret" - sirr-fine pointe de l'âme - de par l'existence même de ces paroles. Dieu a dit : " Chaque fois qu'il leur arrive de la part de leur Seigneur une parole qui exprime, ils l'écoutent." Cette " station " du sama', à laquelle tous n'accèdent pas et d'autres dépassent, correspond aux Noms de Dieu, qui sont innombrables.
Pour chaque Nom il y a une langue et pour chaque langue une parole. Et l'essence est une, du diseur et de l'écouteur.
Quand il y a appel nous nous y rendons. Ainsi a-t-Il dit : " Demandez-Moi et Je vous exaucerai." Il nous entend, et après la prosternation de la prière, on dit : " Dieu entend celui qui Le Loue." Les uns parlent par Dieu et les autres par eux-mêmes, mais c'est au fond la même chose car dans l'existence il n' y a que Dieu; il n' y a de diseur et d'écouteur que Dieu, qu'Il soit exalté !
Le sama' spirituel consiste dans l'action des plumes Divines sur le livre de l'existence. L'existence est une feuille dépliée et le monde est un livre; les plumes parlent, les intelligences entendent, les paroles s'inscrivent et deviennent attestation, et l'essence de l'attestation est l'essence de la compréhension...
Le sama' naturel est basé sur quatre réalités. La nature est quaternaire avec des sujets et des objets, des actifs et des passifs; il y a quatre directions, quatre humeurs auxquelles correspondent quatre sons musicaux fondamentaux qui les mettent en mouvement et procurent la jouissance musicale. La joussance de ces sons et leur effet sur les caractères ont leur racine dans le verbe Divin. Celui qui entend un son convenant à son temperament ne peut se soustraire à son influence.
source: Anthologie du soufisme (Eva de Vitray)
Afin de permettre au disciple de "devenir ce qu'il est", de l'aider à "mettre au monde" l'esprit caché dans les profondeurs de son propre être, à découvrir qu'il existe un abîme entre ce qu'il croyait être - ce que Rûmi appelle un petit homme, un pauvre homme - et l'esprit sublime qui est sa réalité profonde, les maîtres soufis auront recours à divers "moyens" : accord spirituel, intimité de personne à personne avec le disciple; symbolisme des apologues, cherchant à faire deviner la distance entre le signe aperçu et la réalité signifiée; dialectique, visant à faire définir à l'élève, par le jeu habile de questions et de réponses, des vérités qu'il croyait lui-même ignorer. Quant à l'oratorio spirituel, au samâ, on le retrouvera, sous différents aspects, dans les confréries.
La danse tournante des derviches est, nous l'avons vu, caractéristique des mawlawîs. Il s'agit toujours d'un office liturgique, créant en l'auditeur un "état" où lui parviendra l'échos d'un appel déjà entendu au-delà du temps, le souvenir du monde des mélodies éternelles.
Un même principe conducteur sera toujours appliqué : étant donné les différentes capacités existant entre les esprits, le rôle du maître consistera à s'adapter à leurs aptitudes. Une parole célèbre du Prophète de l'Islam déclare : " Parlez aux hommes selon la mesure de leur compréhension, et non pas selon la mesure de la vôtre, pour que DIEU et Ses Messagers ne soient pas démentis." Rûmi fait de fréquentes allusions à la forme progressive que doit revêtir l'enseignement :
Puisque j'ai affaire à un enfant, je dois en conséquence tenir le langage qui convient aux enfants.
Disant : " Va à l'école, et je t'achèterai un oiseau, ou je te rapporterai des raisins, des noix, des pistaches."
... Le feu qui convient au fer et à l'or, comment serait-il bon pour les coings et les pommes ?
(Mathnawî,IV, 2577, et II, 827 s.)
source: Rûmi et le soufisme (Eva de Vitray-Meyerovitch)
[...] Nous avons déjà montré qu'à DIEU appartiennent deux Miséricordes : une miséricorde universelle (rahma 'âmma) et une miséricorde particulière (rahma khâssa) et qu'Il avait priviligié cette communauté [mohammadienne] par une miséricorde particulière.
L'Envoyé de DIEU a dit : " En vérité, ma communauté est enveloppée par la Miséricorde Divine : il n' y aura pas de châtiment pour elle dans la vie future (al-âkhira) car son châtiment aura lieu en ce bas-monde (al-dunyâ) sous forme de tremblement de terre, de combats meurtriers et d'épreuves."
[...] De même il est rapporté dans un hadith authentique que l'Envoyé de DIEU a dit : " Quant aux gens du feu (ahl al-nâr) qui sont voués à y séjourner définitivement, ils n'y seront en vérité ni morts ni vivants. Mais il y aura aussi des hommes [pour qui, à la différence des premiers, le séjour infernal ne sera que provisoire et] que le feu atteindra à cause de leurs péchés."
Il ne précisa pas à quelle communauté ces hommes appartenaient et n'affirma pas en l'occurence : " des hommes de ma communauté". Or il s'agit ici d'une miséricorde universelle pour ceux qui ne sont pas d'entre les gens du feu. Le prophète ajouta en effet : " Et DIEU les frappera de mort [littéralement "les mettra à mort d'une mise à mort"], renforçant le sens du verbe par l'addition d'un nom d'action (masdar) - tout cela se passant avant la "mise à mort de la mort" (dhabh al-mawt). Or, si DIEU les fait mourir, c'est afin qu'ils ne ressentent pas la morsure du feu.
source: les illuminations de la Mecque (Ibn'Arabi)